Réveil tardif: lever 7h du matin! Le temps de retourner voir le Fish River Canyon et écouter le son du vent qui s’engouffre dans son sillon. 


Clic sur la photo, vroum dans le moteur. Nous nous acclimatons aux distances dantesques de ce pays. Notre voiture devient notre maison. Appelons-la Simone car : « En voiture... » Simone est gourmande mais elle nous emmène de paysages splendides en paysage étranges. Et nous n’en finissons pas de nous étonner de ces routes aussi droites que longues. Les routes qui touchent l’horizon sont légions. 


Là, tout au bout, se détachent une église parfaitement blanche, une voix ferrée , une maison détruite, un drapeau sur une sorte de collège, un enfant au bras de sa maman... Bon! On va appeler ça une ville: Aus, notre étape du jour. Des roches couleur corail forment des montagnes qui rompent avec le paysage de plateau. Le sol est tapissé de fleurs violettes et jaunes. Difficile d’imaginer qu’ici viennent s’entrecroiser le sable de trois déserts. Offrande d’une pluie passée plus tôt. Habituellement il pleut environs 100mm/an (soit 8 fois moins qu’à Marseille ou Liège). Ici il n’a pas plu 100mm sur le cumul des 5 dernières années... Le paysage est habituellement extrêmement aride, peu de végétation. L’avancée du désert est quelque chose de concret et cela donne des frissons. Notre route croise le cadavre asséché d’animaux morts de faim ou de soif. Vous saisissez l’importance de l’eau dans ce type de région. Heureusement il a plu il y a quelques jours et Ricky notre guide du jour s’en réjouit. Son désert est un parterre de fleurs depuis.

Cela est exceptionnel. Notre spectacle du jour se mue en happening. En plus d’être rares, les disparités saisonnières des pluies sont un véritable problème. L’essentiel des 100mm qui doivent tomber en une année tombe en été, saison très chaude. Ainsi, lorsqu’il pleut l’eau n’a pas le temps de s’infiltrer dans le sol qu’elle s’évapore. C’est pourquoi la pluie en hiver est une véritable bénédiction. 


 Dans ce plateau du Gondwana, Ricky nous parle de la faune, de la flore, de la géologie. La grande route que l’on observe au loin, longue de 120km qui rejoint Aus à Luderitz a été construite pas les Nama l’occasion pour Ricky de nous raconter l’histoire de son peuple. Victime d’un véritable génocide, 80% de la population Nama et Herero a disparu sous le joug de la colonisation allemande. Les survivants ont vécu dans les tous premiers camps de concentration ou ont été amené à errer et mourir de faim dans le désert. La différence de traitement que l’on fait aujourd’hui entre cette histoire tragique et l’holocauste nous interpelle. Les Nama et les Herero ont perdu leur guerre, ils n’ont pas eu l’occasion d’écrire avec nous les livres d’histoire.


Nous pourrions ouvrir ici une discussion sur Ricky, originaires de la fameuse ville de Aus. Ce guide l’est devenu juste en ouvrant tous les livres qui lui passaient par la main en plus d’y avoir appris l’anglais, l’allemand, l’afrikaans, sa langue maternelle: le Nama. Claque! Nous regardons ses yeux qui rêvent des Etats-Unis. Devant un coucher de soleil digne d’un conte, nous trinquons un verre avec Ricky. Et doucement, c’est nous qui devenons ses guides! Avide de comprendre, il se met à nous poser des questions sur la Belgique qu’il connaît peu, sur notre capitale qui est aussi celle de l’Europe, sur le Brexit et ses retombées économiques. Ricky est estomaqué d’apprendre qu’en Europe on peut voyager librement d’un pays à un autre. 


Une église, un collège, une maison en ruine. Voilà d’où vient Ricky mais ses lectures et sa curiosité l’ont amené à devenir ce gars qui nous parle dans un anglais irréprochable. Le moment d’une réflexion sur la clé du savoir. La clé de tant de libertés individuelles.

Une fois le soleil couché les températures tombent vertigineusement. Le temps de manger notre barbecue habituel et nous allons une nouvelle fois nous coucher tôt. Nous partageons notre nid douillet avec nos amis les « sociable waver » -vous savez les oiseaux qui font les gros nids et qui se font bouffer par d’horribles serpents dont Salvatore a peur. 

La nuit d’encre refroidit les collines et la lune allonge l’ombre que fait notre tente sur le toit de la voiture. Aux petites lueurs, nous replions notre campement pour rejoindre Luderitz. Derrière nous, un splendide soleil se lève de derrière les montagnes. Ce sera une belle journée. Les abords de la route habituellement désertiques sont verts pâles. Par temps clair, l’horizon se dégage jusqu’à 70 km. Halte dans la ville de Kolmanskoop, Une ancienne cité minière diamantifère. Il reste effectivement le souvenir dune gloire passées dans les bâtiments abandonnés. Tout n’est plus que ruines savamment mises en scène par un vent qui a emporté des paquets de sable dans les maisons vidées depuis 60 ans. 

Nous laissons les fantômes dans une salle de gymnase et partons vers Luderitz et ses bâtisses coloniales. La ville semble également gelée dans le temps. Les vagues de l’Atlantique s’écrasent sur ses rochers. Le soleil a chassé l’épais brouillard qui domine généralement la ville. Le Benguela, voilà le responsable de cette brume constante. Un courant froid remontant de l’Antarctique qui forme une condensation sur le rivage des cotes namibiennes. 

Heureusement, le soleil illumine généreusement la ville et nous voilà en t-shirt à déguster les huîtres et les langoustes de la région devant le paysage que le Capitaine Diaz était le premier à voir en 1488. Vasco de Gama ne le dépassera que 10 ans plus tard.

Lorsqu’on s’avance vers le cap qui porte le même nom, la température chute vertigineusement. Buenguela, fauteur de troubles! Le bon côté des choses est d’enfiler les jumelles et observer les phoques, les flamants roses et les manchots sur la rive. 


Nous laissons nos compagnons se rafraîchir pour retourner à notre camping. Sur la route, au loin, mais les distances ici ne veulent rien dire, nous observons les chevaux sauvages. Descendants des chevaux abandonnés par les Allemands en 1915 lors de l’invasion de la Namibie (alors colonie allemande) par l’Afrique du sud (colonie anglaise). Et oui, la première guerre mondiale ne se résume pas à l’Europe et à sa guerre des tranchées. Ces animaux certainement de haute descendance ont su s’adapter aux conditions particulièrement hostiles du désert qui aujourd’hui leur offre généreusement un tapis vert qu’ils semblent apprécier brouter.


Le soleil se couche une nouvelle fois, et nous voilà saoul de tant d’images. Nous devons parfois nous pincer pour croire qu’il est possible de naviguer d’océan en désert, de plaines en montagnes l’espace d’une course du soleil dans notre ciel. 


Anthony et Salvatore