Jours 18 - 20: Namib / Naukluft (Quand t'es dans le désert 🎶)


Nuit d'enfer. Le vent souffle sur notre tente.Simone tremble et nous entendons la toile frapper les barres qui soutiennent notre toit. L'aube viendra calmer le jeu et c'est une occasion pour gravir la coline et remercier l'astre qui viendra faire fuir cette nuit agitée. C'est devenu un rituel et nous savons à quel point nous dépendons de cette lumière au même titre que nous apprenons à diminuer drastiquement nos dépenses d'eau. Mars est au Sud Ouest. 

Cap sur le Namtib, un camp éloigné du reste du monde. Pour cela, nous traversons à nouveau les plaines vertes mêlée au sable rouge. Quelques monts martiens noirs émergent du sol, nous longeons des armées de montagnes... and so on... Nous avons une obsession pour ces routes sans fin et pour cause, Simone a fait un moule de nos fesses depuis le temps que nous roulons. Pas moins d'un millier de kilomètres et cette même surprise sur le tapis de poussières. 


Notre destination atteinte, il nous reste un long chemin de terre et pas moins de trois barrières avant d'apercevoir la ferme qui nous accueillera. Cet isolement est volontaire pour nos hôtes qui désirent une veritable retraite pour leurs convives. Au menu, balade en collines et repas avec tous les hôtes. Nous voilà donc munis de bouteilles d'eau vers le sommet de la plus haute colline du terrain sous un soleil de plomb. Au loin, la plaine du Namib s'applatit sous les efforts de nos jambes qui peinent à gravir des pierres instables. La descente sera pire, c'est à prévoir. Mais qu'importe, l'important est cette vue qu'il faut gagner à coup de mollets. Un peu d'exercices après tant de route ne fait pas de mal. Au dessus, la vue est irréelle. Comment vous dire autrement ? Un tapis de verdure sur le plus vieux désert du monde. 

4 heures de marche méritaient bien un apéro et un repas. Petit rite du coucher du soleil avant de siroter un "Savana dry" avec les autres guests du lodge. L'occasion de faire connaissance avec deux couples de français qui en sont à leur sixième visite de la Namibie. La table éclairées uniquement par des bougies invite aux conversations intimes. Les Allemands restent plus réservés mais les latins de la table ont décidé d'échanger sur tout les sujets. Nous voilà combler encore une fois. Nous faisons egalement connaissance avec nos hotes que nous avions cru allemands. Lorsqu on leur demande ce qui les a menés ici ils nous répondent que cette terre, c'est leur pays. Namibiens d'origine allemande. on sent dans leurs paroles que ces préjugés que nous avons peuvent les agacer car ils se sentent autant étrangers en Allemagne que nous en Namibie. Les fractures entre noirs et blancs sont tellement presentes que nous avons du mal à ne pas voir le blanc comme un Européen venu faire fortune ou simplement changer de vie. La nuit tombe et pas de camping ce soir, juste la douceur de la litterie. Cette nuit sera celle du vrai repos. 


Le déjeuner en compagnie de nos amis furtifs, l'échange des mails, et nous voilà chevauchant Simone pour longer le Namib. Montagnes noires, tapis vert, sable rouge, route droites... on ne nous la fait plus.

Mais aujourd'hui quelque chose de nouveau au programme: nous quittons le desert rocheux (reg) pour le desert de sable (erg).

Ces dunes de sable rouge venu du Kalahari sont gigantesques, surtout la dune 45, notre objectif de l après midi. Dune surveillée par la millice comme l'icône sacrée des couvertures de livres sur la Namibie. Même pas peur! On te gravira aussi. Le vent, encore celui-là, tente de nous decourager et s'empresse d'effacer les empreintes de nos pas dans le sable meuble. Nos pieds s'enfoncent, nos jambent skient péniblement sur la crête de la fameuse dune. Si haut, nous apercevons quelques arbres pétrifiés par la sécheresse. Nos pieds sont compressés dans nos chaussures par le sable rouge infiltré dans nos chaussures. Nous souffrons mais nous avons vaincu cette montée. Nous méritons notre vue. Demain, nous retenterons l'expérience de cette ascension afin de respecter notre rituel du lever magistral du soleil. 


6h00 du matin, pas le temps de déjeuner. Depuis des jours, notre odeur est celle de saucisses grillées. Tant de barbecue en camping nous approche toujours un peu plus de notre but ultime: sentir la saucisse de Francfort. Vu le nombre d'Allemands sur notre route, nous devrions être un peu plus appréciés. Petite parenthèse, malgre4nos efforts pour communiquer sympathiquement avec tout le monde, les germains se trouvent être d'une réserve parfois excessive, ce qui a tendance à nous rendre moins tolérants. Malgré tout, nous faisons les efforts pour ne rien en laisser paraître. Simone nous amène les premiers sur la longue route vers la dune 45. A 7h10, alors que le soleil n'est qu'une ligne jaunâtre à l'horizon nous gravissons le mont de sable avec une telle vigueur que nos poumons explosent -l'équivalent de 3 seances de crossfit d'affilée-. Au bout de notre efforts, nous avons envie de vomir et avons un goût de sang dans la gorge. Le moment est souverain. La puissance des mots est encore faible pour décrire cet embrasement sur tout un pays. A plus de 70 km à la ronde, tout n'est que dune et plaines. Et la nuit ne laisse que les ombres des dunes mourir dessinant un monde aux courbes parfaites, ajoutant le nécessaire de noir à l'ouest pour contraster sur le rouge à l'est. Et des milliers de minuscules grains réfléchissent la lumière comme autant de diamant. Les photos ne suffisent pas, malgré l'afflux de touristes qui discutent et rient, il faut fermer les yeux longtemps et les rouvrir pour recréer ce vertige. Mémoriser cette carte géante et l'imprimer dans son cerveau pour ne jamais l'oublier. Et enfin, justifier cette douleur au poumons, ce goût de sang et ces lancements dans les jambes. 


Nous descendons le coeur allégé, les chaussures ankilosées de sable et reprenons la voiture pour longer la vallée entre les dunes où une ligne d acacias encore verts trahie la présence d eau en sous sol. Direction la Deadvlei, ou un nouveau décor refait surface. Là, au milieu d'une marée de dunes, s'arrache un lac de sel au milieu duquel des arbres pétrifiés prennent des poses effrayantes depuis des millenaires. Leur ombre étendue sur le sol blanc n'ajoute qu'une plus-value à leur étrangeté. Dans ce milieu hostile l eau fait jaillir la vie de n importe où: buisson, fleurs, fennec et meme papillons surgissent de derriere les dunes, les arbres pétrifiés montrent qu elle peut la reprendre à chaque instant.


Anthony regorge d'énergie devant tant de beauté et revoilà une nouvelle dune à gravir pour admirer le panorama sur les dunes avoisinantes. Pas moins de 100 km à la ronde! Un spectacle à couper le souffle, surtout après l'effort intense de grimpette. Big Mama, c'est le nom de la dune, on t'aura eue. Salvatore à bout de souffle préfère devaler la dune en roulé-boulé.


Nos corps écrasés de fatigue retournent au camp. Il est temps de manger pour repartir vers la prochaine destination autour du Namib: le Naufkluft. Monter le camps avant la tomber de la nuit et prendre l'apéro autour d'un feu pour raconter cette journée qui s'achève. 


C'est notre 20ieme jour sur notre périple. La moitié du temps vient de passer. Notre réveil en camping se fait avant le lever du soleil. Comme le jour précédent et celui encore avant, nous décidons de faire fonctionner nos jambes et de partir pour un trail de 10 km autour du Naukluft (la gorge serrée). Du sommet au creu du lit de la rivière assèchée, nous longeons la faille avec l'impression d'être si petits. A si peu de kilomètres du plus vieux désert du monde se trouve une sorte d'oasis. La promenade souvent sportive (passage de gorges accrochés à une chaine!) nous délie la langue. Un demi voyage, c'est un cap pour essayer de voir les choses avec un peu de recul. Nous sommes émerveillés par les différents décors que nous foulons mais, parfois, la Namibie, de par sa très faible densité, manque de rencontres. Nous avons parfois l'impression d'être en vase clos, entourés de touristes et le peu de contacts que nous avons avec les locaux se fait souvent à travers les métiers en lien avec le tourisme. C'est en discutant avec une Suisse-Allemande vivant ici depuis 18 ans que nous avons plusieurs explications.


 D'abord, argument objectif, le Sud du pays est moins peuplé mais le tourisme est plus "massif". Les contacts sont donc plus à la chaine. 


Ensuite, dans le Nord ou à Windhoek, le mélange de couleurs n'est pas culturel. L'apartheid fait encore partie des moeurs et le gouvernement surferait sur cette vague pour expliquer tous les problèmes socio-économiques. En soufflant sur des braises si chaudes, il est normal qu'il y ait finalement très peu de rencontres fortuites entre les Blancs et les Noirs ou entre les Noirs de telle ou telle tribu... (là ça se corse). Car oui les fractures ne sont pas seulement entre blancs et noirs...


Une ultime explication, moins rationnelle serait que le Vaudou inhiberait les personnes à s'ouvrir aux autres, de peur d'être plus vulnérables et donc ensorcelés. 


Nous laissons là ces suppositions et essayons autour d'un feu de comparer notre ressenti si minime sur si peu de temps. Nous hasardons quand même une comparaison avec l'Afrique du Sud et enfin avec l'Europe. Le chant des geckos nous inspire et la lune éclaire nos pensées. Elle est si forte qu'on peut dessiner notre ombre sur la savane. Nos mots tracent celle de l'histoire humaine et des haines qui se répètent.

"Et si l'enfer est sur terre,

Aucune aube ne l'appaise. 

Nous éparpillons les braises.

Vénus se couche au Nord Ouest, 

Mars est déjà bien levée au Sud Est.

La boucle est bouclée. 

Allons nous coucher." 


Anthony Calone et Salvatore Giunta