J29 à 31: Kaokoveld: rencontre avec les Himbas et... avec une lionne 😱


Nous quittons tardivement le lodge et le Damaraland, une région qui nous aura fascinés, pour une route de 3h jusque le Kaokoveld, terre des Hereros et des Himbas. A mesure que nous mettons le cap sur le nord, les paysages verdissent. Juste là, au bord de la route, juste pour nous: une girafe puis une dizaine de zèbres qui galopent, des springboks qui traversent sous le nez de la voiture, huit autruches. La Namibie prend enfin vie donnant fin aux déserts.


Nous traversons des villages où des enfants sortant de l’école nous saluent. Si le pays prend vie, les routes, elles prennent fin...kaokoveld (que l’on rebaptiserait bien Chaos-koveld) nous fait prendre des chemins insoupçonnés: traversée de canyons, lits de rivières asséchés aux galets émoussés. Nous risquons de nous enliser à tout moment. Des pistes où la vitesse limite est 100 km/h mais où le bas de caisse d’un 4x4 peut toucher quand on roule à 40... ça va être long... c’est long... c’est TROP long, il y a un problème! On roule depuis 60 km sur une piste qui ne devait faire qu’une vingtaine de km... La nuit tombe et nous voilà perdus sur une route dont nous ne savons même pas la direction. Genre « La rue qui n’a pas de rue Â». Nous demandons notre chemin à deux hommes qui visiblement ne savent pas lire et donc nous disent le noms des villages qui ne sont même pas notés sur une carte. Ben oui! Quatre maisons en tôle, c’est peut-être pas noté comme point névralgique sur une carte routière. Non décidons tout de même de les tracter jusque leur hameau (le mot est faible/fort c’est selon!) Le vieux Monsieur édenté nous propose de venir boire chez lui mais la nuit tombe et notre inquiétude se lève. Nous déclinons l’invitation et partons à la recherche de notre camp. 


Après 1h de tension palpable, notre route se désertifie complètement : plus de village ni d’intersection. C’est le noir complet: sommes nous dans une plaine? Sur la crête d’une montagne? Dans les deux cas, nous sommes dans le caca. Nous avons l’impression de rouler dans une boite noire. Nous décidons de continuer notre route avec l’espoir de ne pas avoir encore traversé notre étape. A défaut, nous traverserons « une ville Â» et nous pourrons au moins nous localiser. Nous finissons par nous arrêter devant une sorte d’école. Un monsieur s’arrête pour nous demander si nous avons besoin d’aide et finit par nous montrer notre point sur la carte. Nous sommes bien nulle part entre rien et le vide. Heureusement, plus loin que rien, en dépassant le néant, il y a une ville: Opuwo. La dernière avant L’Angola. Nous devons rouler jusque-là pour faire ensuite demi tour vers notre camp tenu par un Allemand dont le nom est, tenez-vous bien : Aussich. Mmmmh... quand on vous disait qu’on était dans la merde! 


Une demi heure plus tard nous voilà dans la ville d’Opuwo. The city of blinding lights de la région. Des des vrais bars et nightclubs avec des putes, des drogués, des gens pas nets (On va peut-être pas la faire longue ici,hein?). Point avantageux, notre ville est sur la carte, nous pouvons nous reprogrammer le GPS mental d’Anthony. Il nous reste... 70 km sur une route cabossée. Notre roue est à plat... notre fatigue à plus on moins dix mille. Nous comptabilisons au total 12 heures de route sur une journée dont 6 heures pour traquer le Rhinocéros et 6 heures pour faire 220 km. C’est pourtant bien avec un grand soulagement qu’en voyant le panneau de notre logement que nous avons crier un grand!cette phrase :« Ah! Ouf! Enfin le camp Aussicht! Â» 


Encore aujourd’hui, nous nous demandons si nous sommes les seuls sur terre à l’avoir dit avec un tel soulagement. Nous arrivons au gîte avec 3h30 de retard et un détour de minimum 180km. Notre hôte, Marius, nous attendait. Habillé selon un modèle printemps-été 76, collection « vacances à Nuremberg Â», le short au dessus des genoux, les chaussettes remontée sur de magnifiques sandales de Jésus. Entre le vieux jésuite et le vacanciers allemands, sa silhouette élancée nous indique notre cellule, pardon... chambre, notre nouveau testament posé précieusement sur notre table. 


Notre réveil nous apprend que nous sommes sur le haut d’une montagne. Et notre émerveillement sera de courte durée en découvrant notre coin « ablutions Â» : un seau et un robinet. 


De toutes évidence nous ne prendrons pas de douche et nous contenterons de l’entretien sommaire. Nous lisons les pancartes sur lesquelles sont écrits des psaumes... une jolie colonie de vacances. 


Accompagnés d’un autre couple d’Allemands très sympathiques, nous prenons la route vers la terre des Himbas. Nous traversons une terre que les éléphants ont foulé 3 jours auparavant, les arbres arrachés et couchés au sol sont les témoins de leur passage. C’est le moment de mieux connaître Marius, notre hôte Allemand-jésuite-ermite. 


DRAME EN DEUX ACTES 

Traduit du Fran-germano-anglais

ACTE I


MARIUS: Pourquoi le drapeau Européen à douze étoiles ?

ANTHONY : Je pense que...

MARIUS: Je ne te demande pas ce que tu penses, mais ce que tu sais. 

(Silence)


ENTRACTE 


ACTE II


MARIUS :(aux allemands) Pourquoi, les Suisses, qui sont un si petit pays, n’ont pas été envahis par l’Allemagne pendant la guerre? 

(silence gêné)


FIN


C’est donc en joyeux trublions que nous roulons vers la terre des Himbas. Marius nous introduit dans un de ces villages que le monde actuel ne semble pas avoir encore touché. Nous découvrons alors un autre Marius. Un homme investit dans cette cause perdue de sauver la culture Himba. De préserver leur façon d’être. Il reste l’homme rustre, ermite, jésuite, malaisan, mal fagoté...mais son cÅ“ur semble simplement s’ancrer dans un monde qui ne veut pas une seule culture neo-libéraliste. Ces discours sont excessifs, parfois simplistes, et cherchent à éloigner le noir du blanc comme des blocs (ça doit être son côté croyant) . Tout cela demande une large réflexion. Mais au-delà de ça, il ne cherche pas à nous vendre la culture Himba. Il l’a chérie trop pour lui donner un prix. D’ailleurs , il ne nous en fait pas la visite, il nous laisse avec eux. Il nous laisse entrer en contact avec eux avec cette seule injonction: faire des photos de ce peuple, car dans dix ans, ils n’existeront plus. Il n’y a aucun touriste dans le village à part nous. Et nous tentons quelques échanges. « Moro Â» (bonjour), « oko épa Â» (merci). En quelques secondes nous nous retrouvons à saluer des tas de mains. Les femmes du village se pressent pour caresser le bras d’Anthony: elles n’ont jamais vu de poils! Quant aux enfants, d’abord timides, se ruent vers Salvatore pour jouer avec l’appareil photos. C’est l’échange boiteux de noms, de mots et de regards qui arrivent après quelques minutes à nous faire sentir totalement apaisé. Aucun regard d’envie ou de méfiance, mais aucune barrière. Elles nous touchent, elles nous regardent droit dans les yeux. Et leur nudité est à jamais oubliée. 


Dans sa hutte, la doyenne du village dépose un bébé à côté d’elle et nous invite à nous asseoir avec elle parterres. Elle nous enduit les bras de sa poudre rouge mélangée à du beurre. Mieux que de l’auto-bronzant! Après avoir hésité une fraction de seconde, Anthony boit une gorgée de thé traditionnel. Étant donné qu’il a la tourista depuis 4 jours, sa flore intestinale n’est plus à préserver. La rencontre est des plus authentiques. Très loin de ce que nous avions vécu au Swaziland ou dans le Kalahari où le show fictif était assumé. Marius nous explique les dégâts de l’occidentalisation. Son regard est peu nuancé mais a le mérite d’être de l’intérieur. L’occidentalisation (via l’école ou les politiques d’aide au développement) pousse ces gens (les hommes majoritairement)vers la ville où l’argent est roi. Or il n’y a pas de travail. Cette désillusion ne leur laisse comme choix l’alcoolisme et/ou la prostitution. Force est de constater que l’organisation du village leur permettrait pourtant d’avoir tout ce dont ils ont besoin: l’eau à volonté et un sacré cheptel, seule chose pour laquelle ils consacrent de la valeur, au delà de l’argent. Tout fonctionne sur le partage. A ce niveau de contrastes culturel, on est en droit de se demander si l’accès à l’éducation nationale est une bonne chose? 


Au retour nous faisons connaissance avec les autres personnes qui partageront le merveilleux camp Aussicht avec nous: tous allemands. Hum! La roue tourne. Heureusement, ceux ci sont plus ouverts aux échanges et tentent, la majeure partie du temps, de parler anglais. L’occasion pour Anthony de débattre avec eux sur les dégâts du capitalisme, les dangers du nucléaire et sur les limites de nos démocraties (à cet instant vous regrettez vraiment de ne pas être avec nous n’est ce pas?). 


Le soir, Marius est dans la place et bénit le repas en allemand. Notre immersion est totale, c’est à se demander si on ne fait pas une étude anthropologique. Il est comme ça Marius. C’est une ermite attachée aux traditions de chacun. En ça, il est touchant. Il s’éclipse discrètement après le repas afin de regagner sa solitude chérie et nous, nous jouons aux cartes avec nos nouveaux amis teutons. Quelques porcs-épics s’invitent à la joute. 


Le lendemain, vendredi 3 août, nous prenons la route pour notre prochain lodge. Posé au milieu d’une réserve qui investit dans la préservation du lion. Les objectifs sont à la fois d’éduquer les fermiers de la région à vivre avec le roi de la savane. Mais aussi éduquer cette population appauvrie à accéder aux métiers de l’hôtellerie en les formant directement ici.


Le lieu est paradisiaque! Imaginez votre repas de midi devant 5 girafes, un éléphant, une trentaine de zèbres, une cinquantaine d’oryx, de springboks et une bonne vingtaine de babouins. 


L’occasion pour nous de scruter pendant deux bonnes heures leur comportement: oryx et babouins se battent pour l’eau, les zèbres forment des troupeaux et les girafes aussi. Quand un troupeau d’éléphants fait son apparition à la file indienne, un remake du livre de la jungle mais dans la savane, « c’est la marche des éléphants qui circulent militairement Â». Pas moins de onze éléphants se précipitent sur le point d’eau, certains sont à 5 mètres de nous, on attend des barrissements: le rêve!

Mais il est temps de se réveiller: c’est l’heure de notre 16e safari! Le jaune de la savane ne camoufle plus les dizaines de zèbres qui nous ont déjà repérés. Les girafes et girafons ont plus de facilités à se camoufler derrière leurs arbres mais ils n’ échappent plus à notre regard expert. 


L’ennui apparaît vite en safari... on veut toujours plus. Ce sera un jour de chance... ou pas. Sur notre chemin, deux lionnes et leurs lionceaux nous observent à 5 mètres de hauteur au dessus du lit d’une rivière asséchée ou notre voiture ouverte est enlisée. Vous pensez certainement que c’est féerique. Oui... jusqu’ à ce que les lionnes se sentent agressées par notre présence et décident de nous intimider. Elles soufflent, nous montrent les dents. Ah ben dis donc, c’est des sacrées belles canines, ça ! Notre guide nous demande de ne plus faire de geste. Nous restons là, pétrifiés mais hypnotisés et surtout toujours enlisés. Vous sentez là, la goutte de transpi sur le front? La première lionne bondit de son promontoire et rugit dans notre direction. « Surtout ne bougez pas Â» nous souffle Janet, notre guide. Oui, ok Janet mais euh... la voiture enlisée, on en parle ? Effrayés, nous nous faisons petits jusqu’à ce que la lionne se calme. Adrénaline à 100% et pipi dans le pantalon, face à nous se trouvent les reines et les futurs rois de la savane. Salvatore est en première ligne. Le regard du fauve le fixe à travers son appareil photo... puis second avertissement, la lionne bondit mais ne quitte pas ses petits. Salvatore se liquéfie... 

La voiture démarre quand la lionne se calme. Il est temps de décompresser en prenant plus loin un apéro dans la savane avec nos guides. Ceux-ci nous remercient de notre présence, car en plus de financer l’association « Africat Â» qui a pour mission d’apprendre à la population à vivre avec les prédateurs, ce lodge offre du travaille aux communautés locales. Dans un pays sclérosé par le chômage, cela est non négligeable. C’est aussi agréable d’être considérés comme des personnes avec des convictions: c’est émouvant et gratifiant, même si tout le mérite leur revient. C’est tout de même grâce à eux que nous venons de vivre pleinement, le cÅ“ur au ventre, la vie sauvage.