Diani 

Nous arrivons progressivement à notre dernière étape avant notre retour en Belgique. Les plages de sable blanc, les cocotiers, l'océan indien. 


Quelques kilomètres de route asphaltée avant de prendre une route de terre coupant droit vers Mombasa. A notre droite, la frontière Tanzanienne dessinée par les contours gigantesques du Kilimandjaro. Les rivières qui coulent vers les villages au pied de la montagne creusent d'énormes tronçons sur la route. Ce n'est qu'une fois rentrés dans le comté de Taita-Taveta que le Kilimandjaro s'éloigne de nous avec une partie de notre voyage dans l'arrière-pays kenyan et ses terres toujours plus rouges. 


Taita-Teva, c'est la terre natale d'Emmanuel et ce n est pas sans une légère pointe d'orgueil qu'il en parle. Nous depassons à peine la ville de Voi et nous sommes aux pieds du village qui a vu grandir notre guide. Nous imaginons les tonnes d'anecdotes qu'il nous a racontées en posant un décor concret sur nos souvenirs inventés. 


Nous rejoignons la route qui relie Nairobi à Mombasa. Une artère pas plus grande qu'une nationale chez nous et qui est envahie de camions. La route est l'une des plus dangereuses du monde et certains bouchons ont déjà duré plusieurs jours. Chaque dépassement nous fait monter la tension. Un resto-route et quelques kilomètres plus tard, le ciel se charge de nuages. Un temps chargé comme nos émotions quand nous savons que la prochaine étape sera la dernière du voyage. Emmanuel se lance dans la chanson « Djombo Bwana », un hymne kenyan dédié aux voyageurs (dont il arrange les paroles pour nous) avant de freiner la voiture devant le grand portail de notre hôtel. Changement radical de décor, l'hotel rassemble tellement de petits détails qui l'eloignent de certains lodges que nous en sommes surpris. Les contrôles de températures et masques sont plus importants. C'est l'heure de dire pour de bon au revoir à Emmanuel. Une pointe d'émotion pour chacun On blague, pour patienter durant le check-in. On se refait une photo. Et nous voilà seuls dans la grande réception. Avec un étrange sentiment d'être orphelin. C'est bête, mais on se sent un peu perdu. Comme des enfants habitués à ce qu'on nous dise où aller et quoi faire. La vue sur la plage depuis notre chambre est néanmoins splendide. Notre tour de visite nous donne l'impression que l’hôtel est quasi inoccupé. Une impression qui restera jusqu'au soir où nous entendons depuis notre chambre les basses de ce qui ressemble à une grosse fête. Nous sommes cependant bien trop fatigués pour nous joindre à la liesse et nous nous endormons aussi vite. 


C'est le soleil qui nous réveille. L'heure de faire un jogging sur la plage...abandonnée, littéralement. Jusqu'à l'estuaire de la Congo River, nous sommes surpris par le peu de touristes. Beaucoup d’hôtels sont fermés, certains beach boys semblent marcher à la recherche de touristes fantômes, accourent vers nous pour nous supplier de visiter leurs échoppes... le spectre du Covid a englouti les personnes qui jouaient avec les vagues. Ces pays qui vivent du tourisme sont complètement étranglés. Malgré tout, les beach boys ne sont pas oppressants; ils gardent un sourire difficile à croire. D'un coin de l'œil, nous observons que certains touristes européens viennent vers les côtes de Mombasa pour profiter de la misère de certaines jeunes filles. Quelques clics sur le Net nous permettent de confirmer cette triste réalité. La réputation de cette côte n'est plus à faire pour les autorités. Double peine pour les personnes vivants dans ce petit coin de paradis. C'est une réalité que nous voulons écrire aussi pour ancrer le pays dans ses vicissitudes et ce malgré la douceurs des alizés et des noix de coco que certains vont chercher à la force de leurs jambes et leurs bras pour vous les vendre minute. 


Malgré la misère ambiante, malgré les petits boulots... les kenyans adorent marchander. Plus qu'une passion, c'est un sport chez eux. Toujours avec sourire et une ambiance bon enfants. La méthode est toujours la même: ils vous tendent un petit papier avec un prix "astronomique " et attendent que vous leur fassiez une proposition en retour "kili-kili" (traduisez "you kiling me" ) avant de vous relancer. Anthony s’est donné à coeur joie à ce sport. L'une des ventes se terminant à pile ou face dans la main innocente de Salvatore. Le contact avec les autochtones est si simple que le jeu se fait dans le rire et sans nous harceler. De simples "hapana, asante " (non, merci) suffisent à nous laisser en paix. 

Diani n'est pas juste une plage bordée d'hôtels. Et heureusement pour nous car cela nous permet de nous échapper de l'ambiance un peu "club de vacances" qui règne dans le nôtre. C'est ainsi que nous sommes d'ailleurs rentrés dans un jeu du chat et de la souris pour éviter l'animatrice (presque) trop exaltée. Kandy, c'est son prénom, est parfaite dans son métier. Elle vous aborde, dents blanches comme des crocs et vous savez que ça va être fort long avant qu'elle ne vous lâche. Elle vous pose des questions indiscrètes et malaisantes sensées vous mettre à l'aise. Étonnamment,elle ne nous a pas demandé notre casier judiciaire ou notre passeport santé. Et c'est avec une finesse de lego sous le pied qu'elle nous demande :"Et comment vous vous êtes connus ?" "Oh... vous êtes devenus amis en vous rencontrant dans ce voyage ?" Salvatore a l'impression que Kandy sera à l'hôtel ce que l'herpès est au visage. Anthony la trouve toute mignonne. Allez, désolé, Adieu jolie Kandy, mais je dois m'en aller. Tel un sparadra, on a l'impression qu'elle est toujours sur nous une fois que nous la quittons. 


La météo n’étant pas excellente, nous en profitons pour faire des visites plus ou moins abritées. La forêt sacrée de Kaya Kinondo est une forêt primaire qui a poussé sur d’anciens coraux. Notre guide nous explique tout ce qu'il faut savoir sur les 9 ethnies qui se partagent cette terre. Aucune modification humaine. La sérénité y règne. Certaines tribus se réunissent encore dans la forêt afin de demander la faveur des esprits. Nous aimons encore bien cette idée de croire davantage dans la force de l'arbre et de la feuille plutôt que dans la peur d'un Dieu unique. Affublés d'un pagne, nous sommes invités à sauter en lianne, serrer un arbre pour faire un voeu tels des hippies new age ou nous faire bercer sur une branche suspendue et regarder les feuillages nous servant d'ombrelle. Que peut on demander de plus? Le bonheur est intense. 

Autre visite, un refuge pour singes : le « colobus conservation » spécialisé dans le singe... Colobus. Le lieu sert aussi de clinique pour les singes blessés avec pour objectif les relâcher dans la vie sauvage. Nous avons pu également voir Mzungu, le singe albinos (mzungu = européen) rejeté par sa mère biologique et adopté par une autre maman. Notre guide, Maria est une vraie perle. Elle nous parle doucement avant d'éclater dans des fous rires communicatifs. De la nurserie pour arbres à la recherche de singes discret en passant par une forêt naturelle, nous aurons passé deux heures agréables en compagnie de Maria. 

Si la visite vous en dit ou pour soutenir des singes en voie d'extinction, voici le site Web: 

https://www.colobusconservation.org/ 

La nourriture n’étant pas top à l'hôtel, et toujours dans le but d'éviter que Kandy crushe (ok... c'est bon, on écrit ce qu'on veut!) nous partons à la découverte de la gastronomie du coin. Il y a quelques bonnes adresses pour absolument trois sous. Les tuktuks nous attendent au bord de la route et en cinq minutes, nous voilà dans l'authentique Diani. 


Si le bord de mer est vraiment paradisiaque, la météo est un élément indispensable pour pouvoir en profiter. Très souvent nous avons dû checker les nombreux sites de météo pour espérer apercevoir une bonne nouvelle. Les prévisions s’avéraient souvent erronées et la météo n’a pas été avec nous. Au final on déconseille quand même le bord de mer au mois d’août si vous cherchez uniquement le soleil. Vous auriez de franches belles éclaircies mais vous devrez slalomer entre les nuages. Vous avez bien plus de chance de profiter d’un beau ciel bleu à Marseille qu’à Diani. Zanzibar, qui est une île pas très loin, est plus épargnée par les nuages/la pluie (bien que la meilleure période semble être janvier/fevrier). 


Les après midi suivantes ont été occupées par du snorkeling dans l'île de Wasini au bord de la frontière Tanzanienne où Anthony oublie de prendre nos passeports. Bon visiblement, il n'était pas essentiel d'être enregistrés pour prendre un bateau et aller loin bien loin. Le capitaine, un vieux marin au rire gras s'est lancé dans deux conversations avec Salvatore: la taille du sexe des zèbres et le foot. Duh... Salvatore met toute son énergie pour ne pas confondre Chelsea et les Diables rouges et finit par être crédible à son grand désarroi.  


Magie du moment, nous nous retrouvons dans un restaurant au bord de l'eau à deguster du crabe et admirer le panorama des mangroves. Nous terminerons notre journée par une petite visite du village et de la Mangrove, véritable réservoir de nourriture pour les habitants de l'île. 

Les soirées de l'hôtel s'enchaînent et se ressemblent. Kandy s'est pété le genou, Kandy danse avec un genou. Tous les animateurs font un show puis invitent les résidents à venir se tremousser sur de la macarena avant que le DJ - on ne sait pourquoi - décide de mettre de la musique aux rythmes africains et là, c'est la débandade. Les Blancs essayent de suivre les Noirs dans leurs mouvements de jambes, de fesses, de bras, de... enfin leur corps semble répondre à des injonctions sorties des baffles. Dans les clans des Blancs, on a plus a faire à un colloque entre malades atteints de Gilles-de-la-tourette. Kandy revient à la charge. Un genou en moins. Salvatore fait tout pour lui paraitre antipathique. Anthony comprend, Kandy colle. Kandy demande après moult tergiversations avec un air sérieux :"Une residente m'a demandé si vous étiez gay..." ca y est, Kandy a craché sa Valda. Salvatore a envie de lui péter la deuxième rotule pour jouer aux olympiques de cricket. Kandy comprend qu'elle parle trop. "You’re not angry?" "Noooooo" (fucking cunt) 

Samedi, notre avant dernière journée sur la plage de Diani permet à Anthony de faire une plongée au large de Diani. Abandonné de son chéri, il sympathise avec Cherry la californienne qui va l’accompagner dans les profondeurs… après avoir donner à bouffer aux poissons, car si Cherry aime être sous l’eau elle a du mal à être dessus. Cherry passe donc par toutes les couleurs de l’arc en ciel (surtout les plus froides) pendant qu’Anthony tente, en vain, de lui faire de l’air pour le grand plaisir de la faune aquatique. Si la visibilité ne vaut pas Zanzibar en février, on ne peut qu’être émerveillés par les multiples tortues que l’on rencontre et par les magnifiques couleurs du récif corallien. Tomber nez à nez avec une tortue, est quelque chose d’absolument magique. Pendant qu’Anthony barbotte avec les tortues et Cherry, Salvatore se propose une journée plus sportive en commençant par un petit jogging sur la plage avant de prendre le soleil. Manque de pot, une pluie équatoriale s'effondre sur la plage et Salvatore se réfugie dans la salle de sport de l'hôtel. Un mec basé comme une armoire à glasse l'accueil. 

"Tu veux faire du sport?" 

-Oui pourquoi pas, se dit Salvatore.  

-Oh, tu fais quel sport?

Deglutission lente..."Du crossfit?

- Oh, je n'ai fait qu'une fois du crossfit avec un résident, c'est très difficile, je sais faire du lift mais c'est tout!" 


Salvatore sent la confiance l'arnaquer et se dit sournoisement que le gars est certainement une armoire à glasse mais doit avoir un cardio moyen. C'est toujours quand vous avez confiance qu'il faut crier comme une petite fille. Salvatore a vécu les 15 plus longues minutes de sa vie. Le coach l'engueule à chaque fois que Salvatore essaye de respirer. "Strongeeeer" crie le muscle sur patte. Salvatore laisse de l'eau sur le sol, son âme aussi. Salvatore voudrait que le coach se mette plutôt à chanter Britney Spears plutôt que de répéter ad libitum ce mot. Salvatore souffre. Salvatore s'en veut. L'armoire a glasse va le casser et c'est dans un dernier effort que Salvatore regagne à la fin des 150 minutes... euh... 15 minutes sa chambre en essayant de ne pas montrer que la douleur le tétanise du bras à la jambe, son dos voudrait se courber. A deux doigts d'envoyer un mail à ses amis commençant par :"Hello, comment vas-tu? Je suis en Afrique et j'ai un petit problème....on m'a cassé en deux." Mais la probabilité que quelqu'un pense à un piratage est trop risquée. Autant s'allonger en position foetale sur le lit et finir la matinée qu'il voulait calme. 

Un repas chez Ramadan permet de nous retrouver. Le décor est idyllique. Ramadan, un homme qui nous a abordés la veille nous a préparé un plateau de langoustes et de fruits sur la plage. La vue laisse rêver. Et Ramadan reste près de nous afin de couper les fruits comme s'il était pressé de nous voir dire que c'est délicieux. Nous le rassurons et très vite il nous parle de sa vie de vagabond. Entre ses petits boulots à Zanzibar ou dans le Samburu ou sur le Masai Mara. Il semblerait que ses histoires rappellent notre trajet. A la fin du repas, Ramadan nous demande de lui ramener du shampoing et du savon de l'hôtel ainsi que de la crème solaire et pourquoi pas de lui acheter deux trois souvenirs faits-main. La gentillesse de Ramadan et son ton très doux nous donne tout de suite l'envie d'accepter. C'est ainsi que lorsque nous lui préparons un sac avec quelques petites choses et retournons lui acheter des porte-clés. Il nous emmène dans une fabrique, une sorte de petite cabane de bois et de toles. Avec l'aide de quelques uns de ces amis, nous passerons deux heures à discuter, à chanter et surtout, les regarder couper du bois pour faire apparaître des animaux de l'ébène. 

La dernière soirée sur Diani, la dernière au Kenya aussi. Depuis notre départ, un cycle complet de la lune s'est accompli. Et ce soir se termine par la pleine lune qui se regarde dans le reflet de l'océan. Nous aurons vu différentes facettes de l'astre et du pays et nous plongeons dans notre mémoire afin de faire émerger nos déja-souvenirs. La lumière de l'astre flamboie dans le ciel noir nous offrant un sentiment de plénitude. A ce moment, nous pouvons être ici et maintenant. Soit c'est un bon jour d'avance soit ça ne peut pas être meilleur que demain.  

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Merci à ceux qui nous ont suivis de près ou de loin. Vos mots, et vos messages nous sont parvenus comme étoiles qui traversent le ciel gris de Belgique