Nous laissons les rhinocéros d'Ol Pejeta pour filer vers le pays d'Amboseli dont le nom enchante chaque touriste qui se rend au Kenya. Amboseli, le "poussière salée" en swahili, est certainement l'un des plus beaux parcs naturels de l'Afrique pour la richesse de sa faune, notamment, son écosystème exceptionnel mais surtout pour sa proximité avec le Kilimandjaro. Les photographes amateurs comme professionnels s'attachent à la chance de voir un animal posant devant la montagne imposante et ses neiges éternelles. Pareille à cette photo de l'éléphant aux défenses gigantesques que l'on peut voir dans de nombreux magasin de décoration. La chance d'avoir une photo "carte-postale" dépend surtout de la météo changeante en montagne. Et nous en savons maintenant quelque chose! 


La longue route que nous empruntons contourne le Mont Kenya au sommet éclairé. Nous traversons le pays Kikuyu où le froid nous prend aux os. Comme sur tout les versants humides de la montagne, la population couverte en bonnet grouille pour y faire pousser les fruits et les légumes du pays: plantations de thé, café, bananiers... Même si nous avoisinons les 2000 mètres d'altitude, on a du mal à imaginer qu’en Afrique il existe des zones aussi froides. 


Des marchés égrènent encore et toujours notre route avec leurs devantures peintes en couleurs vives juste à côté des maisons en tole. 


Les églises en bord de route promettant de chanter le gospel tous les dimanches et crient leur adoration à Dieu jusqu'à leurs appellations toujours plus évangéliques: « église de la sainte espérance divine », « église gospel de la sainte délivrance », « ministère du Jesus Winner », « hôtel béni par le Sauveur » bon ok c’est pas une église mais pour les pêcheurs qui y vont pour d'autres raisons, c'est sous la bénédiction du Sauveur. 

La route, en cours d'élargissement, ressemble à un véritable chantier sur toute la longueur et la terre rouge sort du sol comme de la lave. Des hommes et des femmes créèrent cette entaille immense en plein coeur de la terre et les voitures se bousculent pour avancer dans ces travaux sans fin. La route cabosse, les voitures soulèvent toujours de la poussière rouge dans les airs, laquelle retombe sur les travailleurs qui pelle en main écartent cette artère. 


En tout il faudra entre 7 et 8 heures pour parcourir 480 km accompagnés par les tubes Kenyans ponctués de « Amen » et de "Halleluja". Ambiance gospel dans la voiture, Manu reprend les cœurs avec son grand sourire. Parfois un Michael Jackson, Beyoncé ou un Jennifer Lopez nous rappelle que la culture pop n'est pas morte en traversant la frontière. Et si Salvatore essaye de maintenir une vibe sur un "Halooooooo" de Beyonce, mais ça devient quasiment impossible de se retenir sur le « Believe » de Cher. Faut pas déconner. "Believe" est au gay ce que "l'exorcisme" est au diable. Cela dit,  Emmanuel ne sait pas retenir un dodelinement. Le pouvoir magique de cette chanson... 


La route s'élargit, se bétonne, des vendeurs au abords de la route proposent leurs fruits et leur eau. Déjà la ville de Nairobi pousse sa corne. Le capharnaüm de la capitale nous avale dans un bouchon sans nom. Le bus magique est littéralement avalé par une nuée de camions, les bandes des voies ont disparue sous les véhicules qui se poussent pour gagner quelques centimetres vers l'avant, des motos à une, deux, trois, quatre personnes se faufilent dans les interstices laissés par les chauffeurs les plus inattentifs. Entre tous ce monde s'ajoutent encore plus de vendeurs de cacahuètes et de soda qui soulèvent le bras vers les fenêtres avant d'être engloutis sous les nuages noirs d'un camion qui demarre et la poussière de la route en construction. L'air n'est rien moins d'autre qu'irrespirable. Nos narrines brûlent jusqu'à nos gorges. Impossible de prendre une grande inspiration et impossible d'échapper à cette boîte de toles enfumées qui à chaque mouvement soulèvent toujours plus de poussières. La seule route pour sortir de Nairobi étant fermée pour travaux, aucune alternative n'est proposée. Ce qui donne à chaque conducteur l'occasion d'être créatif : bas cotés, trottoirs, la terre, sur les voies opposées… keep calm and breath....enfin non, don't breath! 


« C’est ça le problème de Nairobi, toujours plus de voitures mais il n’y a pas de routes », dit Manu fenêtres grandes ouvertes. Son système respiratoire a du développer des capacités de résistance aux pots d'échappement tandis que Salvatore se demande si il n'aurait pas dû commencer à fumer avant de partir. 


Le retard accumulé est gigantesque. Nous ne pourrons faire de safaris à Amboseli ce soir, nous aurons fait un safari entre les Toyota, les Nissan et les Rover. Apres plus de deux heures de bouchons, le bus magique peut enfin accélérer. Nairobi s’éloigne et le pays Acamba qui se présente à nous fait renaître la magie des plaines sauvages du Kenya.


A quelques kilomètres de notre point de chute, au dessus d'un nuage se dessine le sommet de l’Afrique. Il est là. Massif. Imposant. Avec sa silhouette volcanique trônant à 5895m. Fatalement c'est le moment "10 qu'on aime", on lui a dit de ne pas le faire, il l'a fait... Salvatore se met à tonitruer "Elle... te feront un blanc manteau... où tu pourras dormiiiiiiiiiiiiiiir". Blanc.... blanc.... il n'en reste plus grand chose du manteau. "Où tu pourras dormir, dormir, dormiiiiiir, bientôôôôôôt" 


"Va prendre une photo avec les girafes devant le Kilimandjaro" incite Emmanuel. Peut-être que la chanson ne l'a pas plus emballée que ça? 

Manu nous raconte l’histoire que les Kenyans s’amusent à raconter sur le Kilimandjaro. Autrefois, ce dernier était au Kenya, mais comme ils avaient déjà le Mont Kenya ils décidèrent de le donner à la Tanzanie, mais… tout en gardant la plus belle vue. 


Manque de chance pour nous, le "Kili" se couvrira la nuit nous laissant à peine apercevoir ses pieds. Heureusement, le parc, lui, nous dévoile toute sa beauté. Le lac immense offre une vue spectaculaire sur des centaines d'oiseaux. Les fameuses egrettes se repaissent des insectes sur les dos des buffles, des dizaines d'éléphants traversent la savane jusqu'à se baigner dans l'étendue d'eau recouverte de feuillage. On ne nous a pas menti, leurs défenses sont véritablement plus longues que celles de leurs congénères. Les oreilles aux aguets, protegeant leur tribu, les mâles barissent à la moindre inquiétude. Alors que plus loins, trois guépards lézardant au soleil, se lèchent mutuellement et jouent. Ils regardent avec indifférence les objectifs des caméras telles les Heidi Klumb de la savane. Nous restons longtemps à les observer avant de rejoindre une scène conjugales entre un lion et sa lionne. Un jeu de « je t'aime moi, non plus» » où les gifles sont permises. Les femmes, c’est quand même compliqué! Nous sommes plein d’empathie pour ce pauvre lion qui finit par baisser les pâtes et se cacher dans les herbes du marais. De l'autre côté des hyènes font ripailles autour d’une carcasse d’un zèbre tandis que les vautours impatients cerclent leur furur repas. 

Près du lac millénaire, au milieu des flamands roses, des hippopotames lézardent nonchalamment. Le lac marécageux semble le paradis des oiseaux. Hormis les flamands roses et les... egrettes, nous regardons les yeux equarquillés la grue royale, emblème de l’Ouganda ; l' ibis sacrés d’Egypte qui étaient l’incarnation de Thot, le dieu de l’écriture, la grue chassant le serpent, le francolin à cou jaune, la spatule d'Afrique, le pélicans... chacun bénéficiant des eaux qui sculptent le Kilimandjaro. Cet écosystème est si fragile que nous comprenons qu’une simple saison sèche peut faire des ravages. Comme ce fut le cas en 2008-2009 où la population du parc a diminué de 70% (herbivores et carnivores compris). Un véritable cataclysme qui s’est abattu sur la région. La réserve a du être fermée car elle était jonchée de cadavres d’animaux. En 2010, on ne dénombrait plus qu’une trentaine de lions. Depuis, les populations ont augmenté de nouveau… jusque quand? 


Cette journée nous aura éclairé les yeux encore une fois, et malgré quelques petits soucis organisationnel dans le planning qui nous aurons un peu dérangés, nous partons dormir en sachant que la prochaine matinée sonnera l'heure du dernier safari. 


La dernière journée avec Emmanuel et notre dernier safari se lève. Le Kilimandjaro sort de ses brumes et nous le regardons médusés. Nous savons à présent qu'il faut dire au revoir à la vie sauvage. La remercier d'avoir été les spectateurs impudiques de leur vie sociale et privée et puis faire son bagage. Elle nous offrira encore quelques beaux spectacles de savane en plein réveil.  Deux lions encore trop paresseux pour se réveiller, trois guépards chassant des oiseaux. Anthony est surpris car à la vue des oiseaux, ils « miaulent » après les volatiles. Ils essaient de traverser la route de touristes qui les observent, s'attendent, s'entraident... l'animal favori d'Anthony lui fait une véritable révérence. C’est hyper attendrissant et émouvant. On estime qu’il existe encore seulement 7000 guépards sauvages dans le monde. Clairement la sonnette d’alarme est tirée et une équipe est spécialement chargée de surveiller l’évolution de la population de l'animal dans la réserve d’Amboselli… 


En cette fin de drive les lions, les zèbres, les gnous, les éléphants, les gazelles et les girafes défilent devant notre voiture. Nous n’avons pas encore quitté ces terres aux pieds du Kilimandjaro que cette vie sauvage nous manque déjà.