C'est parti.  

Du moins, c'est ici que commence véritablement notre immersion dans l'arrière pays kényan. Nous déposons à peine nos valises que nous voilà rentrés dans notre bus magique pour un premier tour de chauffe dans la réserve naturelle du Masaï Mara.

Depuis le premier, les safaris sont pour nous des expériences extraordinaires. Cette émotion ne nous a jamais quittée. On peut faire un safari pour un tas de raisons mais ce qui intéressera souvent tout le monde c'est la recherche du big five. Le Big Five reprend les 5 animaux les plus dangereux de la savane: le lion, le léopard, le buffle, le rhinocéros et l’éléphant. Ceux- ci connaissent très bien leur territoire et les pister est une tâche ardue... particulièrement les léopards.

Quant aux guépards, ils ne sont pas aussi puissants que les 5 autres mais cette faiblesse les rend difficiles à rencontrer car ils sont très méfiants, excellents pour se camoufler mais aussi, malheureusement, en voie d'extinction. 


Emmanuel nous promet que la réserve nous offrira les sésames. Et puis zut, on a un bus magique pour nous tout seuls, on peut bien prendre le temps de regarder chaque buisson autant qu'on veut. 


Sur le chemin vers la réserve, nous croisons des écoliers en uniforme portant quelques morceaux de bois en main. Ils collectent de toutes sortes de bois qui leur permettront de faire un feu pour préparer leur déjeuner à l'école même. Quelques Massaïs recouverts d'une couverture fushia font des saluts au bus magique et quelques dames étalent des bijoux et des objets de bois à vendre aux touristes qui attendent leur laisser-passer à la porte de la réserve. Bien qu'insistantes, elles ne sont pas pour autant agressives voire même souriantes aux nombreux refus.  

La barrière cerclée de militaires s'ouvre et la route s'enfonce dans une plaine jaune. Quelques acacias se confondent aux nuages et nous offrent une image de guides touristiques. A l'aide d'un réseau radiophonique, Manu communique avec les autres guides du parc à l'affut d'un félin. 


Le parc Masaï Mara ne laisse pas en reste pour ceux qui cherchent du félin et du Big Five. Hormis le rhinocéros, nous aurons vu nos starlettes aux puissantes cornes, aux dents affûtées et aux défenses toujours entières.

Mais Masai Mara offre aussi le luxe de croiser les timides guépards,

observer les vautours se repaître de la carcasse délaissée par des lionnes endormies. Nous avons même pu observer un porno-chic du roi lion ainsi qu'une lune de miel des plus romantiques entre un lion et sa maîtresse. Nous qui commencons à être un peu habitués aux safaris sommes littéralement subjugués par la densité animale que revêt cette reserve. Celle-ci n'est pas clôturée il n est donc pas rare d'avoir un léopard ou un lion qui gambade au dela des "limites". En réalité il n y a pas de limites pour la nature, il existe juste cette surface de 1500 km² dans laquelle les hommes ne peuvent en aucune raison déranger / détruire la nature. Si on rajoute le parc du serengetti en Tanzanie qui jouxte Massai Mara cela représente 16500 km² soit plus de la moitie de la Belgique. 


Difficile donc de résumer ces quatre jours en quelques lignes. En fait, c'est impossible. Ce serait vouloir résumer la complexité et la beauté de la vie sauvage.  


Pour vous donner des images plutôt que des mots, nous avons envie de vous envoyer un tas de photos. Celle d'une maman léopard partageant son repas avec son petit. Ces oiseaux qui picorent le dos des buffles,ces lionceaux sautant sur le dos de leur maman. Ou encore l'émotion d'assister à la traversée des gnous de la rivière de sable au péril de leur vie. Voir avec tristesse et curiosité malsaine certains gnous se blesser et être à la merci des crocodiles affamés et mourir sous le regard indifférent des hippopotames.

C'est à la fois cruel, effrayant et fascinant car c'est tout un écosystème parfaitement huilé qui trouve son equilibre dans cette horreur et en même temps cette beauté. Les zèbres, les gazelles et les herbivores sont si nombreux à chercher leur herbes plus vertes depuis des millénaires. Seuls peut- être les éléphants semblent avoir moins de mal à protéger leurs petits, même si aucun n'est en sécurité sans la surveillance d'une famille protectrice. Regarder cette machinerie est une des raisons pour lesquelles les safaris sont toujours surprenants et donnent toujours l'envie de recommencer. Avec la même adrénaline avant de rouler vers une autre découverte.  


Nous espérons toujours nous engager dans une attitude positive par rapport à la vie sauvage. Et jusqu'à présent ce fut le cas. Garder des distances avec l'animal, rester discret, éviter de stresser l'animal. Nous avons malheureusement dû noter que certains guides sont moins regardants et s'éloignent des routes tracées parfois afin de satisfaire le touriste. Nous avons répété à Emmanuel notre envie de rester respectueux mais il n'a pas fallu insister car il s'en fait lui même une règle. 


Les longues journées de safari sont entrecoupées par un lunch ou nous arrêtons le bus magique en plein milieu de la savane. Un endroit aéré afin d'avoir une vue à 360 degrés sur tout danger pouvant apparaître. Et même si nous ne laissons pas la quiétude du repas nous hypnotiser, c'est un excellent moment pour observer en silence le décor des herbes jaunies, des zèbres du côté de la Tanzanie. Nous rompons souvent ce moment de plénitude en ouvrant la conversation avec Emmanuel. Un moment de détente qui permet à chacun de s'apprendre. Apprendre son intérêt curieux pour le Brexit, comparer l'union européenne à l'union impossible mais discutée entre les pays d'Afrique de l'Est. Il regarde TV5 monde pour entrainer son français et apprend par la même nos petites querelles européennes. Sur la route il est notre veritable encyclopédie tant sur la région que sur les animaux. Sur une chaise, il devient une personne curieuse à son tour et se réjouit même de visiter le parc Kruger pour un jour faire lui aussi le touriste ou amener son fils à faire un safari pour lui donner cette passion pour les animaux. 

N.B. humoristique. Emmanuel maitrise presque parfaitement le français. C'est donc tellement facile d'échanger qu'il arrive même à différencier l'accent d'Anthony à celui de Salvatore. Ainsi que celui de différentes zones de la francophonie. Mais on ne s'improvise pas professeur d'accent comme ça. Note pour Salvatore, ne pas commencer à apprendre l'accent liégeois par "un aigle" (même si on vient d'en voir un)... note numéro 2 pour Salvatore, ne pas tenter d'expliquer que c'est la même pour le mot "une blague". (Emmanuel a fini par comprendre et par rire... vous, vous n'avez qu'à le prononcer chez vous). 


Et oui! Voyager c'est rencontrer. Parfois être heureusement surpris, parfois se confronter aux différences culturelles et transformer l'expérience en quelque chose de positif. C'est que nous avons expérimenté après une journée de safari où nous sommes allés à la rencontre d'un peuple Masai qui incite les touristes à découvrir leur village et leur société. Laissons de côté notre côté anthropologue pour vous raconter le véritable malaise que nous avons vécu. Notez que ce passage se veut aucunement offensif envers une autre culture mais plutôt un véritable moment d’autodérision. Un homme en tenue typique, c'est-à-dire avec une couverture fushia, se présente comme notre guide dans le village, le fils du chef. Il a l'air sérieux mais nous répète que tout est fait ici pour nous amuser et que nous allons assister aux cérémonies, allumer un feu... nous commençons la visite par une danse traditionnelle où les hommes sautent et nous demandent de sauter avec eux. C'est ainsi que nous nous retrouvons à sauter pauvrement mais joyeusement et tandis que nous nous levons de terre à 14 cm... les messieurs en couverture deviennent de véritables fusées l'espace d'un instant. A la fin de la danse nous apprenons que c'est ainsi que les Masai peuvent avoir une femme "gratuitement" (oui, oui... le terme a été utilisé par notre guide masaï) ce rituel remplace celui de tuer un lion qui permet de remporter une femme gratuitement aussi. Mais comme cela coûte cher en amandes aujourd'hui, ben... on saute pour avoir une femme. Toujours est-il que notre guide nous apprend que son père a tué 53 lions... donc 53 femmes qu'il a visiblement sautées pour faire une ribambelle de gosses (123 exactement) qui jouent dans tout le village. Donc le fils du chef est cerné par 122 autres fils du chef et là d'un coup, l'expression "nous sommes tous frères" prend tout son sens. Il nous demande à notre tour, combien de femmes nous avons. Anthony répond prestement "une" puis le regard d'un des fils du chef se tourne sèchement vers Salvatore il répond "une" en sachant pertinemment à quel point il n'est pas convainquant pour un franc. Selon la tradition, Salvatore c'est celui qui aurait ramené la queue du lion parce que clairement ça signifie, celui qui n'a servi à rien à la chasse. Alors que la conversation continue, Salvatore sent comme un malaise vagal l'emporter... il sent qu'il va être dénoncé, réfléchit déjà à comment il se réveillera après son coma mais pas le temps de réfléchir, faut faire une photo malaisante avec une tête de lion sur le crâne. La tête lion est trop grande, tombe et aveugle Salvatore, Salvatore sourit, peut-être est-ce le début d'une paralysie faciale... il attend le clic de la photo. Le guide Masaï nous demande si nous avons une question. Nous n'en avons pas. Alors il repose sa question. Anthony invente des questions mais tombe à court, Salvatore observe la machette dans la ceinture du guide. Nous rentrons alors dans la maison traditionnelle où il y fait une chaleur étouffante et où seule une fenêtre d'aération permet de faire entrer la lumière. Anthony doit éclairer à l'aide de sa lampe torche. Le guide nous indique les éléments qui composent la vie dans la maison. Nous le félicitons pour les sauts, Salvatore arrive a prononcer sa première phrase "Comment faites- vous pour sauter si haut?" Et le chef de répondre "Vous n'avez qu'à maigrir pour être fins comme nous" fin de conversion... nouveau malaise avant d' apprendre à faire du feu et de passer sur le marché artisanal où afin de soutenir le village (ou de s'enfuir) nous acceptons de faire un achat. Anthony insiste pour marchander. Les vendeurs sont très insistants et Anthony finit par marchander et acheter un masque 100 shiling plus cher qu'à l'entrée de la réserve. Bravo pour l'homme d'affaire qui se cachait en lui. Nous sommes reconduits à l'extérieur du village avec les remerciements du guide et nous avons pu décompressé sur ce mensonge que nous avons dû faire sur nos femmes fictives. Sortant de cette visite comme des dégonflés mais hilares de notre couardise. Cela va sans dire, nous garderons un souvenir de cette visite et même si le malaise faisait partie de l'expérience, nous avons pu en sourire et en nous promettant d'apprendre à sauter plus toujours plus haut... ou faire régime ou... oh et puis merde, remonte dans le bus magique et mets le masque dans ton sac.