J16-17 : Ol Pejeta 


Poco, Socrate, Cheetah, Sudan, Baraka... voici quelques jolis prénoms aux histoires tragiques qui s'ajouteront à notre amour pour les animaux et principaux protagonistes fantômes de notre étape à Ol Pejeta. 


Il est 8h du matin quand nous quittons Samburu. Comme une prémonition, le ciel est gris et l'air plus frais. Nous prenons un déjeuner en compagnie de nos hôtes et les remercions pour leur accueil chaleureux. Nous savons que nous sommes les seuls et derniers touristes à quitter les lieux. Les tentes sont vides, les draps bien pliés en attente d'être à nouveau chiffonnés quand le tourisme reprendra. 


A bord du bus magique, le soleil daigne transpercer quelques nuages et nous offre un dernier spectacle de lumière sur les montagnes rouges du comté de Samburu.

Au revoir aux routes rectilignes balancées par la nonchalence de quelques chameaux. Cette route transperçant un désert infini qui présage déjà les décors de l'Ethiopie et des commerces itinerants, des vapeurs de thé brûlants sous un soleil écrasant. Nous depassons Archer's Post, rejoignons Isiolo et sa population grouillante et cosmopolite. Nous bifurquons vers l'Est et commençons à remonter en altitude. A mesure que nous avançons, notre bus magique approche des nuages épais et la température descend bien en deçà de ce que Salvatore supporte. La culture devient plus intensive, nous percevons des serres de roses et d'autres fleurs colorent la route verdie par la pluie, les hauts-plateaux de Likipia... oui...Ça sent le mont Kenya par ici... au loin, encore plus haut, le sommet impétueux se cache encore sous son étole blanchâtre. Nous apercevons un panneau indiquant l'équateur et nous voilà rentrés à nouveau dans l’hémisphère Sud. Les porte du Ol Pejeta Conservancy s'ouvrent. Cette réserve est privée de près de 400 km2 est un véritable sanctuaire pour la vie sauvage. Étant donné sa proximité avec les zones habitées, cette réserve est complètement clôturée. Nous sentons directement le contraste avec les autres réserves communautaires ou publiques. L'hôtel, bien clôturé, est posé en plein milieu de la réserve. Un complexe de tentes entoure le bâtiment central. A peine les valises déposées, une hôtesse nous propose deux sortes de jus de fruits pour nous faire patienter sur de gros fauteuils duveteux face à une baie vitrée immense donnant sur un point d'eau où viennent s'abreuver des buffles. L'endroit est luxueux comparativement aux hôtels précédents. Nous sommes invités à aller nous servir au buffet quand, au loin, nous percevons deux rhinocéros blancs s'approcher du point d'eau. Et de cinq! Le big five est complété! Et là, sans même les chercher! Emmanuel nous donne rendez-vous à 14h pour un safari à la rencontre des chimpanzés et des rhinocéros. 


Nous avons eu la possibilité plusieurs fois de discuter du problème d'observer les animaux. Dans la vie sauvage en s'engageant à ne pas modifier le comportement de l'animal (même si...) ou dans des zoos modernes où l'importance sera de veiller à conserver, protéger, soigner, réintroduire l'animal. "Ol Pejeta Concervancy" en sera notre leçon. 


14h, à bord du bus magique, nous partons vers le refuge des chimpanzés. Cet animal n’est pas originaire du Kenya. Non, ils sont acheminés ici après avoir été récupérés d'un trafic morbide. Les images que l'ont nous montre sont terribles, mutilations, mains coupées pour éloigner le mauvais oeil, cages minuscules et à peine aérées. Loin de la jungle, en plein milieu de la savane, ce bout de terre s'est transformé en refuge, pire, asile d'une trentaine de pensionnaires recouvrant le calme et la dignité après une vie de terreur et de traumatismes. C'est le cas de Poco, enfermé dans une cage minuscule suspendue durant 9 longues années au Burundi. Nous avons pu entrecroiser de loin, et derrière des grillages de protection, les regards de Cheeta et Socrate. Il est très cher de sauvegarder un chimpanzés, le refuge met évidemment tout en place pour que le touriste puisse participer à la conservation de notre patrimoine. Si l'histoire de nos frères d'ADN (99,4% en commun) vous a touché, nous vous invitons à faire un petit tour sur le site de référence pour faire connaissance avec eux. Leur donner un nom et une histoire, c'est déjà leur offrir le petit respect d'humanité dont ils ont été privés. 


Site: 


https://www.olpejetaconservancy.org/wildlife/chimpanzees/meet-the-chimpanzees/ 

Avec un pincement au coeur, nous quittons le refuge et redémarrons. Nous traversons une plaine géante dans laquelle paissent quelques rhinos. Le spectacle est magnifique. Et pour cause, nous mesurons la chance de voir quelques espèces rares. Dernier héros fantôme à rencontrer, Sudan. Dernier rhinocéros blanc du Nord né en 1973 et décédé en 2018. Derrière une pancarte rappelant la vie de Sudan, un grand enclos protège ses trois filles, trois femelles, cette espèce est donc considérée comme fonctionnellement éteinte. La tristesse de cette situation sonne comme un triste retour à la réalité. Si l’homme est capable de grandes choses il est capable des pires actes. Malgré tout, les rangers armés arpentent jour et nuit, à pieds les plaines de la savane afin de protéger nos dinosaures des braconneurs. Ceci est indispensable dans une réserve où les rhinocéros sont si nombreux. L’opération fonctionne puisque la population de rhinocéros noirs est passée d’une vingtaine d’individus à plus de 140 en une trentaine d’années. Nous ne verrons donc pas Sudan, mais nous savons qu'il nous manque déjà. 

(Sudan cette photo n’est pas de nous)

Manu nous emmène un peu plus loin vers un autre enclos où vit seul, protégé des autres, le rhinocéros noir, Baracka. Devenu complètement aveugle, il n’a aucune chance de survie dans la vie sauvage. Les gérants de la réserve lui ont donc réservé ce bout de savane dans lequel il peut vivre sans crainte. Le rhinocéros doit être nourri tous les jours par les hommes. Aujourd’hui c’est nous qui nous en chargeons. Le soigneur nous forme un cocktail de feuilles et de branches variées, pour le régime alimentaire de Baraka. Sous une pluie battante, Baraka s'approche du grillage afin d'être nourri. Nous avons la permission de le toucher. Baraka dépendant des soins vétérinaires pour survire est devenu domestique, dans la mesure où il est habitué aux humains. Avec un goût aigre-doux de voir cet animal sauvé par les humains mais incapable de retourner à la vie sauvage, Salvatore espère qu'il n'y a pas derrière tout ça une volonté de satisfaire le touriste de sensations fortes pour nous montrer de près cet animal en danger critique d’extinction. 


Nous avons une histoire d’amour particulière avec cet animal. En Afrique du Sud nous avions visité le parc Hluhluwe qui s était spécialisé dans la survie du rhinocéros blanc. En Namibie nous avions pisté toute une journée durant un rhinocéros noir (moment qui reste un des plus beaux jours de notre vie). Nous nous souvenons très bien de ce moment silencieux où, à 500 mètres de l'animal, nous observions un silence religieux. Nous laissons Baraka se grater le dos avec plaisir contre la clôture. La pluie bat son plein. 

Si la petite histoire de Baraka vous intrigue, voici le site de reference. 


https://www.olpejetaconservancy.org/adopt-a-black-rhino/black-rhinos-baraka/ 


Nous sommes trempés et frigorifiés pour reprendre notre route. Au milieu de la route, nous tombons sur deux rhinocéros en train de se battre . Le bruit sourd de leurs cornes qui s’entrechoquent nous fait frissonner. La nature peut être brutale et on devine qu’un mauvais coup pourrait bien être fatal. Nous les laissons à leur rixe et partons à la recherche de quelques félins... sans succès. Nous rentrons bredouilles à notre camps en espérant que le lendemain matin sera plus porteur. 

Le soleil a à peine percé. Pas assez pour nous réchauffer. Nous rentrons nous couvrir et nous changer. De notre tente, le Batian se dessine sur un ciel bleuté. Il y a même pas une semaine nous la longions ainsi que des glaciers pour voir les premières lueurs du jour l’éclairer. 

Au lendemain matin, la vue est parfaitement dégagée sur le mont Kenya. Cette fois, c'est sur fond rouge qu'il annonce le départ de la journée. Nous partons pour notre game drive matinal à Ol Pejeta. Mais petit à petit la brume épaisse recouvre toute la savane qui semble endormie. A peine quelques gazelles et buffles osent pointer leur nez. Le froid est piquant, le soleil que l’on perçoit au delà de la couche de brouillard semble livrer une âpre bataille qu’il finit par gagner. Le mont Kenya jaillit de nouveau au delà des herbes jaunes et des acacias parasols. Plus près de nous, des aigrettes se servent des buffles comme matatu (mini-bus au Kenya). Comme des amies trop collantes, elles suivent à la trace les buffles qui ne leur jettent même pas un regard. Au loin, sur fond du mont Kenya, un rhino marche tranquillement dans notre direction accompagné de son aigrette pot-de-colle. En réalité, l'interessée suit les herbivores afin de se nourrir des insectes sur leur dos ou ceux soulevés par leur passage. Nous restons un petit quart d’heure avec notre dernier rhino son amie l’aigrette qui ne le lâche pas d’une semelle. Nous leur disons au-revoir et quittons la terre de Bakara, Sudan, Poco... avant de repartir pour une longue route jusqu'à la réserve d’Amboselli, aux pieds du Kilimandjaro.