Avis à ceux qui nous lisent, ce texte à 4 mains est certes très long, mais quatre jours au Damaraland, c'est assez intense. 

Nous quittons la côte namibienne pour nous rapprocher du Damaraland. Une terre brûlée, aux landes de pierres (voilà, comme ça vous l'avez pour la journée). Mais le Damaraland est vraiment sec et aride. C'est aussi le "Drameland" de la connexion et du réseau. Au loin, une montagne aux roches pointues émerge comme un Iceberg de la plaine: le Spitzkoppe: la tête pointue. Notre campement est au pied de la montagne, personne autour de nous, juste la roche ronde de la lave séchée. Malgré la fatigue, nous crapahutons sur les rochers pour admirer un coucher de soleil africain. Imaginez! L'immensité du bush, un soleil rouge et des Doritos ! Moment extatique. Puis, le sempiternel montage de tente qu'on maîtrise comme une machine huilée suivit du repas à la lampe de poche avec l'ouverture à la machette d'une boîte de thon. "Nous hommes des bois." Bientôt, on fera des danses tribales devant une tartine beurrée. 


La rosée du matin ne nous réveille pas puisque nous l'étions déjà grâce au gel nocturne. (Émoticônes coeur ter). Qu'à cela ne tienne, aujourd hui sera une journée pleine de contraste et d'émotions fortes...une journée très spéciale pour plusieurs raisons et la première sera d'admirer le levé de soleil du trente-cinquième 29 juillet de Salvatore. L'occasion de faire un mauvais remake du Roi Lion (on ne l'avait pas encore fait, promis!). Puis, enfiler des vêtements de jour, remplir Simone et la monter (pour ceux qui n'auraient pas lu les textes précédent, il ne s'agit pas d'un viol collectif ou d'un quelconque rituel tribal). Nous filons à l'entrée du parc où nous avons rendez-vous pour un tour guidé du Spitzkoppe. Notre guide, au nom imprononçable, va réellement nous faire découvrir cette montagne et ses petits secrets. Ainsi, nous entrons dans le petit paradis des Bushmans (un peuple San vivant dans cette region) où nous découvrons les peintures rupestres mais surtout, leurs significations... loin de vouloir faire un cours d'anthropologie ou d'histoire, nous prenons conscience de l'ingéniosité de nos ancêtres. Notre guide nous parle de sa langue "Clic". L'origine du mot venant des différents claquements de langue qui caractérisent le langage des tribus de la région. Cette même langue serait, selon certains linguistes, à l'origine de notre langage oral à tous! Notre guide nous chante une chanson traditionnelle entonnée aux mariages et nous pouvons apprécier cette fameuse langue-clic encore parlée àce jour. L'occasion est trop belle pour ne pas apprendre l'essentiel en Damara tels que "Merci" ou "Comment allez-vous?", "Je vais bien!", "Eléphant". Ce dernier mot n'a pas permis grand chose vu notre accent pourri en Damara mais les autres, plus ou moins maîtrisés, nous ont ouvert pas mal de sourires et de paupières. 


Nous sortons du camping et traversons un marché d'objets artisanaux. Des enfants courent hors de leur cahute pour nous inciter à acheter des bijoux, des pierres brillantes et des objets faits à la main... ils nous les tendent comme de precieux trésors. Nous nous plaignions de ne renconter personne, nous garrons donc la voiture dans l'esprit d'acheter de quoi faire vivre cette communautée plantée là. Les objets de récup devenus grossièrement des animaux, les bracelets et les pierres sont sur un étal de fortune. Nous achetons quelques objets futiles qui leur permettent certainement de valoriser leur activité. Un père de deux enfants nous brieffe sur sa situation qui est celle de tous ceux de la région. Il est devenu impossible de creuser sur cette partie de la coline pour ramasser quelques pierres brillantes à vendre. Certains touristes ayant été spoilés par de simples voleurs, l'accès aux sites touristiques à été interdit aux hommes qui y allait chercher des pierres à vendre. Ce qui les oblige à creuser beaucoup plus loin pour trouver beaucoup moins de pierres.


 Les enfants nous suivent très spontanément jusqu'à notre voiture puis nous demandent si on a de l'eau et à manger. Premier coup très dur. Ils ne demandent pas d'argent. Directement l'essentiel. Bon, on va assumer notre désir de croiser l'autre. Et surtout dans le malheur. Nous sortons tout ce que nous avons dans notre coffre de comestible. Ca fait peu et on se sent condescendant de laisser dans leur main un pain et des biscuits, deux bouteilles d'eau. C'est pourtant tout ce qu'il y a dans Simone. Ils s'en vont avec le buttin. Nous n'osons pas regarder derrière nous, un peu honteux et en même temps contents d'avoir entrecroisé des vies. C'est très compliqué d'expliquer en mot ce drôle de sentiment que vous ne pourrez jamais en faire assez.  


A mi-chemin vers notre nouvelle étape, un autre homme veut nous vendre des quartz. Plus loin encore, un enfant stoppe notre voiture en agitant son gros bidon d'eau. Il nous supplie pour de l'eau et de la nourriture. Nous étant arrêtés juste avant pour nous recharger en eau, nous voilà de nouveau à lui donner la moitié d'une bouteille... déjà vide ? Déjà pleine? Là, on est en droit de se le demander. 

Nous arrivons enfin au lodge après une vingtaine de kilomètres. Palmiers, piscine, petite cascade... après de telles rencontres, cette débauche de luxe nous met très mal à l'aise. Schizophrèniques! On ne va pas se plaindre d'être dans un si bel endroit! Mais peut-on se rejouir que, non loin de là, l'eau est si rare qu'on la supplie? On se raccroche à l'idée que le site est géré aux bénéfices des communautés locales.


 Le site de "La dame blanche" est fermé. Raison: cinq lions rôdent dans les parages. Il nous reste une activité : traquer les éléphants du desert. Des mastodontes qui se sont adaptés à cette faune hostile. C'est parti mon kiki....enfin... c'est parti... c'est-à-dire que les éléphants ça marche quasi toute la journée et si en plus c'est pour trouver de l'eau, inutile de vous dire qu'on en a traversé de la route. Il nous était impossible de ne pas penser à notre ami qui un an plus tôt était certainement venu sur ces terres afin d'aider les fermiers à cohabiter avec les éléphants qui detruisent les puits.


Après avoir roulé patiemment, nous voilà devant deux grands dinosaures contemporains. Nous sommes arrêtés devant la beauté de ces deux mâles qui semblent ne pas se soucier des 10 humains dans la voiture. Enfin, "semblent"... pas vraiment... voilà qu'un d'eux s'approche dans notre direction. Curieux, l'animal fait trembler la voiture. Le guide est ferme et nous interdit de bouger pour ne pas effrayer l'animal. Bon ben, pendant que l'animal nous secoue comme un Orangina, on pétrifie nos corps et notre pulpe, elle reste en bas. Nous sommes obligés de rester figés pendant de longues minutes en équilibre. Malgré celà, nous vivons un moment d'une beauté intense. L'animal s'éloigne et nous intègre dans son espace. Il retourne vers son compagnon et nous voilà pendant 20 minutes sublimes à admirer ces deux géants du désert. Puis nous devenons à nouveau leur centre d'intérêt pendant de longues minutes. L'adrénaline remonte, la gorge pulse chez chacun et pourtant l'instant est unique. Il n'y a aucune agressivité dans leur jeu mais leur puissance est si forte que nous retenons notre souffle. Pardon aux fourmis que nous avons écrasées pour jouer... c'était pas cool. 

Le petit jeu terminé, nous laissons nos tortionnaires et gardons le syndrome de Stockholm. Plus loin se trouvent des femelles et des éléphantaux. La colonie est calme et ne désire pas jouer avec nous. Nous restons de notre côté à admirer ce moment de pur extase où rien d'autre n'existe. On vous parlait d'une journée de contrastes... 

Nous laissons nos 17 éléphants à leur activité et rentrons au lodge des emotions sur tous les poils et pour un tas de raisons. Le temps d'observer le soleil clôturer la journée et nous dinons en tentant de ne pas penser aux personnes rencontrées sur la route. Juste fêter un anniversaire avec une bouteille de rouge. Indécent, oui, mais c'est aussi notre réalité et notre moment. Vient le moment de fermer les cuisines et tout le personnel vient nous chanter des chansons en Damara. Toutes aussi entêtantes les unes que les autres. Puis, ils appellent Salvatore à venir danser avec eux et lui chantent une chanson en son honneur. Pour Salvatore, c'est certainement un des plus beaux anniversaires. Se lever au matin avec un soleil qui va l'accompagner, chanter dans la savane, parler damara avec des vendeurs sur la route, être frappé par la misère, penser à un ami, retrouver des éléphants du désert et penser mourir tout en connaissant l'extase, regarder ce coucher de soleil dans un joli lodge avant de partager une bouteille avec LA BONNE personne et finir en dansant, en chantant et en recevant tous les voeux de personnes enthousiastes... what a birthday! Salvatore leur chuchotte à tous un "AIOS" (=merci) dans l'oreille. Il vous écrit à tous un "KAÏ AIOS" (merci beaucoup) pour vos messages et vos attentions. Le réseau l'a éloigné d'une civilisation mais pas de la civilisation et rien ne pouvait être mieux. 

Le réveil non plus!  5h00 du matin, alors que l'on rêve encore, un rugissement énorme vient troubler le silence. Un lion passe dans le campement. Les émotions, c'est un peu tous les jours ici. Tout le monde en parle au petit déjeuner. Le lion a effrayé et fasciné. C'est un peu ce que l'on vient chercher en Namibie, non? 

Prochain arrêt, Twyfelfontein (la fontaine du doute). Tu m'étonnes! Dans un pays où il pleut tous les 5 ans ! La visite guidée nous permet d'observer d'autres gravures qui ont traversé le temps. Notre visite est plutôt courte et nous laisse assez de temps pour choisir notre campement (le seul non réservé). Nous sommes séduits par celui qui a un... "bar". Pour sûr, l'endroit est rudimentaire. Sans réseau, sans électricité, sans toilettes, mais il y a un..."bar"!


Après avoir monté la tente, mangé un sandwich, bu un verre, fait notre vaisselle, regardé le couché de soleil et écrit quelques mots sur Walvis Bay, nous décidons de profiter du.. "bar". Enfin... il est 19h et ce serait un record d'aller nous coucher si tôt ! Dans la nuit d'encre, nous retrouvons notre..."bar" éclairé avec une bougie. La serveuse , ennuyée, nous sert un verre à l'aide d'une lampe frontale et semble mal gérer la situation. Fou-rire absolu. Il ne reste qu'une solution: aller dormir à 19h55.


 Le 31 août, nous roulons tout droit vers l'extrême Nord du Damaraland. Nous sommes pressés d'avoir un peu d'Internet afin de rassurer nos proches et poster nos photos de Walvis Bay et Swakopmund. "Dramaland" de la connexion, Internet fonctionne une fois toutes les cinq heures. Mais y a pas à dire, c'est de la vue ici! Devant nous, un immmense canyon si large que le regard s'y perd. Une piscine effleure la falaise. Des oiseaux noirs, bleus, verts viennent s'y abreuver. On est loin de Oba Huab, notre precedent camping avec le..."bar" Malgré tout le confort nécessaire, Internet ne passe pas et électricité à tendance à sauter. Le Damaraland est décidément une terre particulièrement reculée.

Nous profitons du soleil autour de la piscine. Autour. Pas dedans. Impossible à moins de vouloir se solidifier rapidement. La difficulté du voyage est de s'habituer à toutes les personnes que nous croisons. Et lier des liens aussi vite que nous devons les defaire. Par exemple, nous sommes rarement seuls lors de nos safaris ou lors des visites. Il faut donc faire en sorte que nos compagnons furtifs de voyage deviennent des amis-éclairs avec qui il est possible d'échanger un maximum. Vu le nombre d'Allemands dans le pays, il est regrettable de ne pas connaître la langue de Goethe. Et parfois, la réserve teutonne ne permet pas d'échanger grand chose. Nous avons fait des dizaines et des dizaines de connaissances, d'Europe, beaucoup. Des Africains, évidemment. Mais aussi des Néo-Zélandais, des Australiens, des Indiens et des Suisses (ils ne font pas partie de l'Europe, eux). Nous voyons au fil des jours que nous manions de mieux en mieux la langue de Shakespeare. Jusqu à avoir des discussions politiques et philosophiques et forcément cela nous ouvre à d'autres points de vues sur le monde.

Le premier août, nous devons nous lever à 5h du matinpour traquer le rhinocéros noir. Les seules traces visibles à cette heure-là sont les cernes de Salvatore. Trente-cinq ans, ça tire un peu. Il y a un âge où l'on commence à être prêt pour tracker du botox. Mais aujourd'hui, on va surtout tracker un animal en voie de disparition. Tué pour sa corne, soi-disant car elle aurait des effets aphrodisiaques. Il n'en reste que 4 sur ce territoire et c'est un gros investissement politique de payer une véritable milice afin de sauvegarder ces 4 animaux voués à disparaître.



 Nous sommes accompagné d'une famille état-unienne. Anthony n'est pas du tout enchanté de devoir partager le tracking, Salvatore tente de briser la glace, certain que 2 heures plus tard, Anthony leur parlera à n'en plus finir et il finira par dire "Oh! Ils sont super sympas". 



Nous voilà sur la route en pleine nuit, à 2°c, fouettés par le vent qui traverse le 4x4. 2heures d'affilées à subir des "massages africains" sur des pistes de cailloux formant le lit d'une rivière. Salvatore tracke le plaisir d'être congelé de 6h à 8h30 du matin en étant balancé comme un prunneau. Sans être certain de voir ce (***) de rhino. Nous prenons sur le chemin trois rangers armés qui nous précèderont dans la marche afin d'éviter les mauvaises renvontres. Alors qu'ils scrutent toute trace de l'animal, nous lions connaissance avec nos compagnons américains. Le courant passe très très bien et Anthony, après avoir vérifié qu'ils étaient bien anti-trump, glisse à l'oreille de Salvatore : "Oh! Il sont super sympas, HEIN?" Salvatore le fusille du regard mais pas le temps de parler. Notre guide nous demande à tous de nous taire. Un rhinocéros a été repéré par nos trois rangers. Nous allons marcher vers l'animal est sauvage. Nous devons tenir une grande distance avec lui et nous assurer de marcher à la file indienne afin de minimiser les risques d'être chargés. 

Le soleil compresse notre silence. Nous attendons les informations des rangers via le talkie-walkie. La permission d'avancer dans une direction. Nous sommes arrêtés sur une colline. Dans le grésillement du talkie-walkie, nous entendons un ranger chuchoter qu'un rhinocéros marche dans notre direction. Nous attendons de precevoir un mouvement. On s'arme de nos jumelles et scrutons la crête de la colline d'où il serait sensé apparaitre. Après de longues minutes, nous apercevons ce magnifique animal descendant le versant de la colline. Notre récompense est inestimable. 5 rangers et 6 touristes, chacun collaborant à sa manière à la préservation de l'espèce. Ici, ce n est pas une concession ou un parc, ces animaux sont dans la nature sauvage. Ce que nous faisons aujourd'hui c'est ce que les rangers doivent faire chaque jour: trouver les rhinos pour s'assurer qu'ils sont en sécurité. Si pendant 3 jours un rhino n'est mas aperçu ils envoient l'armée pour trouver un éventuel braconneur. Nous sommes donc en immersion complète avec la mission et ce que nous vivons est sacré. Nous avons la permission d'avancer en prenant un large contour. Et nous observons l'animal à une distance si proche qu'il nous est possible de voir ses minuscules oreilles se tendre pour écouter le moindre de nos mouvements. Il est aux aguets, nous aussi. Il tourne sa tête dans notre direction. Il sent notre présence, nous ressentons la sienne. Alex (c'est le petit nom de notre rhino) n'a plus de cornes afin de dissuader les braconniers. Nous le regardons dix minutes dans un silence religieux. Nous ne voulons absolument pas perturber la tranquillité de l'animal. Cela renforce notre admiration pour lui. Bon et puis se lever à 5h du mat, il avait intérêt d'être au rendez-vous! Mais gageons que nous avons été chanceux et très bien accompagnés. Nos rangers ont aussi leur intérêt de croiser l'animal : une photo par jour de chaque rhinocéros envoyé au ministère leur permet de recevoir un bonus en plus de confirmer le bien être de l'animal.  

Nous repartons silencieux mais légers de cette rencontre. Le chemin du retour est tout aussi long et nous devons encore faire trois heures de route pour notre prochaine étape. Nous quittons "Da-Da-land" où le soleil brille chaque jour... c'est pour les vivants, un peu d'enfer (au cas où vous auriez reussi à oublier...). 


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Anthony et Salvatore